Le havre naturel sur la rivière du Bono, Le Sal, offre aux marins la possibilité d’amarrer leurs bateaux et de les mettre à l’abri des vents dominants.
L’origine du nom reste mystérieuse. Vient-il de la légèreté de ces chaloupes et de la facilité des pêcheurs du Bono à s’en servir ? Est-ce la renommée des pêcheurs du Bono réputés être des durs ? Très tôt le sobriquet utilisé par les marins est repris à leur compte. Par extension ils deviennent eux aussi des « Forbans ».
La première description de ces bateaux trouvée dans les archives départementales date de 1847. Elle fait état de « Forbans » construits sur un gabarit particuliers qui ne se rencontre que dans cette localité. Ce sont des chaloupes robustes non pontées à deux mâts, avec un foc, une misaine et une grande voile quadrangulaire. Elles sont d’une marche supérieure aux Sinagots mais difficiles à manœuvrer. A la différence du Sinagot pointu aux deux bouts, le Forban est arrondi à l’arrière. La carcasse est en chêne, les mâts en sapin et les voiles sont le plus souvent rougies à l’ocre ou à l’écorce de pin. L’équipage se compose de trois ou quatre hommes : le patron, les matelots et un mousse. La pêche se pratique à la ligne puis au chalut pour attraper bars, lieus, harengs, rougets, …
C’est l’installation au Bono d’un premier charpentier de marine, Vincent Hervé, à la fin du XVIIIème siècle, qui va faciliter le développement de la pêche au Bono. En 1794, la flottille des forbans compte déjà 18 unités. Mise à mal pendant les guerres de la Révolution, l’activité repartira de plus belle pendant la décennie 1809-1819. Le chantier Le Blévec verra plusieurs membres de la famille, tous charpentiers de marine, se succéder à la tête de l’entreprise de la fin du XVIIIème siècle jusqu’en novembre 1878 mettant fin provisoirement à la construction des forbans au Bono. Jean-Marie Kergosien, rival des constructeurs du Bono, a ouvert son chantier à Saint-Goustan en 1863. Il arrêtera la construction des forbans également en 1878 pour se consacrer à l’ostréiculture. S’ouvre alors l’ère des forbans concarnois. Pendant 30 ans, Concarneau va fournir plus de 180 bateaux neufs aux pêcheurs du Bono. Au début du XXème siècle, on en compte une centaine, montés par plus de 400 marins, au point que le port, bien qu’agrandi, ne suffit plus à les accueillir. Certains doivent se contenter de s’amarrer en face, sur la rive droite de la rivière. Il faudra attendre 1909 pour que s’ouvre un nouveau chantier naval au Bono grâce à Yves Querrien. 25 forbans sortiront de ce chantier entre 1909 et 1918, date de construction du dernier.
De la fin du XVIIIème au début du XXème siècle, les forbans et leurs techniques de pêches ne vont cesser d’évoluer avant de laisser la place aux sloops pontés, plus sûrs, plus confortables et plus faciles à manœuvrer puis aux bateaux à moteur signant la fin de la pêche à la voile. Le développement des activités liées à la construction des bateaux, l’essor rapide de la pêche, les emplois qu’elle offre et les activités qu’elle génère (charpentiers de marine, forgeron, voilier, boulanger, cabaretiers et autres commerces pour répondre aux besoins d’une population en augmentation) vont inciter de nombreuses familles des villages et hameaux ruraux alentour à venir s’installer au Bono. En 60 ans, de 1841 à 1901, la population du Bono va quintupler au point de représenter plus d’un tiers de la population totale de la commune de Plougoumelen, proportion qui ira en augmentant.
Aujourd’hui, la rivière du Bono abrite une réplique de ces forbans, construite de novembre 1990 à juin 1991 à Saint Goustan, baptisée « Notre Dame de Béquerel ».
Emblème du Bono « Notre Dame de Bequerel » participe chaque année aux grandes manifestations maritimes bretonnes. L’association « Le Forban du Bono », qui le gère et l’entretient, organise des sorties en mer pour ses adhérents, qu’ils soient amateurs locaux de voiles traditionnelles ou visiteurs de passage curieux de revivre les sensations des pêcheurs d’autrefois à bord d’un voilier de travail devenu élément de notre patrimoine.
Crédits :
Golfe du Morbihan, Album des gens de mer (Gilles Millot et Pierre-Yves Dagault)
Ar Vag n°4 – Voiles au travail en Bretagne atlantique (Alain Brulé)
Article paru dans le Télégramme
Er beurch – Bulletin de liaison n°4 de janvier 1984