Naissance, développement et déclin
Au XIXème siècle, les documents d’archives mentionnent que la rivière du Bono est généreuse en poissons, coquillages et mollusques représentant un complément de ressources indispensable pour la population.
De mémoire de bonoviste, on a toujours dragué dans la rivière. Au XIXème siècle, elle offre une suite presque ininterrompue de gisements naturels d’huitres plates notamment, allant de Sainte Avoye et du Plessis à la pointe du Blaire. Grâce aux travaux du naturaliste Victor Coste sur la reproduction et le captage des huitres, quelques pionniers vont, à partir de 1862, tenter de recueillir du naissain (bébés huitres) et l’élever pour faire face au déclin inexorable des bancs d’huitres naturels surexploités par les dragages opérés par la population.
La situation abritée du pays d’Auray dont fait partie Le Bono devient le lieu d’élection du captage du naissain. Il est depuis considéré comme le berceau de l’huitre plate.
L’ostréiculture est née, qui fait passer de la simple cueillette à l’élevage. En 1865, le premier chantier ostréicole du Bono est créé au Paluden.
Après avoir testé différents supports en guise de collecteurs, le choix se portera enfin sur les tuiles demi-rondes. Celles-ci seront enduites de chaux pour faciliter le décollage (ou détroquage) du naissain, puis assemblées en « bouquets » de 10 à 12 tuiles avec du fil de fer, selon la méthode inventée par Eugène Leroux en 1867.
A partir de 1887, les bonovistes vont réaliser des travaux de titans. Ils aménagent des terre-pleins qui vont sculpter les berges de la rivière, construisent des bassins de pierres à marée basse, parcs destinés à empêcher la perte des huitres en cas de mauvais temps, et bâtissent des cabanes de chantier pour mettre à l’abri matériels et ouvriers. Nombreuses sont alors les familles du Bono qui ont leur chantier où s’activent essentiellement les femmes, les enfants en âge d’aider et les retraités, les hommes étant embarqués à la pêche ou à la marine marchande. Dès la fin de l’hiver, les jeunes huitres sont décollées de leur support, placées dans des caisses grillagées protégées par un couvercle, surélevées pour les mettre à l’abri des prédateurs (crabes, étoiles de mer, bigorneaux perceurs, …) et placées dans les parcs en attendant d’être vendues.
Le Bono est alors un centre de captage important bien que sa configuration n’offre pas de zone favorable à l’élevage. L’histoire de l’ostréiculture morbihannaise est marquée par des hommes qui n’ont de cesse d’innover et d’améliorer techniques et matériels.
Les coups durs ne manquent pas, provoqués par des maladies qui déciment les bancs d’huîtres naturelles à plusieurs reprises, mais les bancs du Morbihan se reconstituent.
L’activité connaît une période d’euphorie, de 1930 à 1973. A partir de 1974, le golfe du Morbihan est touché par le « Martelia refringens », parasite qui s’attaque à la glande digestive du mollusque et provoque sa mort. L’époque est alors très difficile pour les ostréiculteurs bien qu’ils obtiennent l’autorisation d’introduire une huître creuse d’origine japonaise, « Crassostrea gigas ». En deux ans, les ostréiculteurs opèrent une reconversion spectaculaire en passant à l’élevage de la creuse. Malheureusement, la nouvelle épizootie de 1979 ruine les espoirs et provoque une telle inquiétude chez les clients habituels que la récolte 1980 ne se vend pas. Tant bien que mal, certains ostréiculteurs essayent de résister
jusqu’à l’épizootie de 1981 qui signe la fin de l’ostréiculture dans la rivière du Bono.
De cette activité florissante, ne restent aujourd’hui que les témoins du travail des hommes, des femmes et des enfants qui les ont bâtis : terre-pleins, cabanes, amas de tuiles jalonnant les bords de la rivière, de Roc’h Vilen au Berly côté Le Bono et de Kerisper à la pointe César côté Pluneret. Ces vestiges fragiles, méritent d’être respectés, entretenus et réhabilités.
Crédits :
Ar Vag n° 4, voiles au travail en Bretagne atlantique (Alain Brulé)
Golfe du Morbihan – Album des gens de mer – Gilles Millot et Pierre-Yves Dagault
Le chasse-marée N° 2 et N° 45 – articles de Jacques Guillet et Alain Brulé